Rando partagée Espace Handicap - prison de Bonneville et ADRET
Novembre 2016
Le projet a fait un bon en avant cet automne 2016 avec l'engagement d'Espace Handicap et de la maison d'arrêt de Bonneville qui seront partenaires de l'aventure.
Dés sa création en 1990, l’association ADRET a eu pour but de fédérer les énergies autour de projets associant des personnes issues d’horizons et de milieux différents. Ce « fil rouge » construit sur le partage sera une fois encore à la base du projet que nous préparons pour l’été 2017.
Notre objectif est de partir cinq jours sur un itinéraire de grande randonnée en associant des personnes en situation de handicap, des détenus de la maison d’arrêt de Bonneville, leurs encadrants et des bénévoles d’ADRET.
Trois univers différents pour partager un temps fort de randonnée itinérante en montagne grâce à l’utilisation de joëlettes.
Pour réussir à donner vie à ce projet, il faut que nous soyons tous persuadés qu’il ne s’agit pas juste de réaliser une rando, certes ambitieuse dans ce qu’elle a d’exceptionnel, mais de s’impliquer dans une démarche globale qui s’inscrit dans un temps long, avec de nécessaires temps de préparation, d’apprivoisement ; pour tous, ce temps privilégié doit permettre de grandir, de faire rayonner son action, de valoriser le travail entrepris au sein de sa structure (maison d’arrêt, Espace Handicap, ADRET) et au-delà (médias). L’estime de soi est un fantastique moteur de changement.
Nous avons eu la chance de vivre cela sur le Mont Blanc en 2011, lorsque nous avons partagé la montagne avec deux aveugles de Bonneville. Cinq ans plus tard, nous sommes toujours aussi fiers de l’avoir fait. C’est avec plaisir que nous nous retrouvons, que nous évoquons notre aventure en regardant le film tourné par TV8 MB.
Concrètement, l’association Espace Handicap d’Annemasse propose sa force d’impact et la mise en relation avec des personnes handicapées motivées par le projet. Michel Pottier est partant.
ADRET est coordinateur du projet avec Philippe Munier, accompagnateur en montagne et président de ADRET.
La maison d’arrêt de Bonneville représentée par Johanne Thouvenin, du SPIP et Cyrille Alric, moniteur de sport, intègre le projet avec des détenus en contractualisant avec eux une démarche qui sera porteuse de sens et de dynamique pour l’ensemble de la communauté.
Dans les semaines qui viennent, nous devrons savoir si le projet peut se faire autour du Mont Blanc ou s'il faut rester en France (Tour des Aiguilles Rouges par exemple, pour rester dans le projet Espace Mont Blanc), préparer les devis pour les hébergements en pension complète. Qui va participer réellement (détenus, handicapés, bénévoles), et quel calendrier on met en place pour s’entraîner, se rencontrer, travailler ensemble sur ce beau projet.
Mars 2017
Cette fois c'est parti ! Nous avons trouvé des financements, Michel Potier et Odile Langlois sont motivés pour participer à l'aventure. Cyrille m'a fait visiter la prison et il y a 4 détenus susceptibles de nous accompagner.
La rando durera trois jours mais nous nous donnons trois moments de préparation selon le calendrier suivant.
Jeudi 20 avril : dés 9h30, découverte du projet par tous les partenaires. Après un temps de partage au sein de l'établissement pénitencier, nous partirons pour une rando vers le Rerey.
Samedi 20 mai : rando à la journée.
1 et 2 juillet : we rando avec nuitée en refuge.
Le raid se déroulera dans la réserve de Sixt du 28 au 30 août.
Itinéraire envisagé : Salvadon, Les Fonts, montée à Anterne - Anterne, Sales - Sales, Gers, Salvadon. Trois grosses étapes pour lesquelles nous ne serons pas trop de 5 par joëlette (Albert, Claude et moi pour ADRET) - 4 détenus et 4 accompagnants pour la prison, 2 bénéficiaires et un bénévole d'espace Handicap. Nous envisageons de louer un âne pour porter le fauteuil de Michel et les repas des trois midi.
Le projet est suivi par Florent, cinéaste et médiateur culturel qui collabore depuis longtemps avec Cyrille. Sont discours inclusif nous intéresse, en particulier quand il fait un parallèle entre le handicap physique et le handicap social.
Le projet n'est pas, définitivement, un temps fort avec pour seul but de "sortir" des détenus de leur cadre d'enfermement. Il s'inscrit durablement et dés à présent dans une démarche collective mobilisant l'ensemble de la communauté carcérale, c'est ce dont a pu témoigner Cyrille qui nous a montré que les enseignants se sont déjà emparés du sujet pour certains de leurs cours.
Tout comme Michel et Odile seront invités à être acteurs de ce projet...
20 avril 2017
Rerey quand tu nous tient ! Pas bien haut la coquin, mais de belles pentes avec des cailloux comme il faut...Pour une première, c'était une belle mise en condition. Les amis de la maison d'arrêt avaient bien fait les choses. Accueil cool en salle polyvalente, on s'apprivoise gentiment autour d'une photo-médiation et c'est parti pour une superbe virée.
Une première salve de documents cadre le projet qui est sur les rails.
Nous prenons tous conscience de ce qu'implique ce projet. Tant au niveau des précautions à prendre, des engagements à respecter, des protocoles de sécurité à connaître et à appliquer qu'au niveau de l'intérêt humain qui nous emporte.
Johanne a choisi d'intituler la préparation de "préjugés à après jugement", choisissons maintenant un nom à notre aventure commune.
NB : pas de photos possibles sur ce projet, mais un film en continu qui sera support d'autres envols et reconstructions au sein de la prison.
Voici ce qu'en disent les deux personnes handicapées :
Une belle journée pleine d'émotions différentes. Une grande oppression en parcourant les couloirs qui mènent à la salle ou nous étions attendus. Très vite disparue dés les premiers contacts. Un partage de ressenti avec le choix des photos. Des interprétations différentes sur le choix des photos mais complémentaires. En ce qui concerne la rando, très vite une complicité et une amitié naissantes s'installent entre tous les participants. Une belle journée pour faire plus connaissance , des rires malgré les efforts a fournir pour les personnes poussant et tirant les joëlettes. Une journée bien agréable et enrichissante. Un grand merci a toi Philippe et ton équipe, un grand merci aux personnels et aux détenus de la maison d arrêt. Le pourquoi vous êtes là ne me regarde pas. Vous êtes quatre gars formidables avec un grand cœur. Ne changez surtout pas, restez vous même, je vous apprécie beaucoup. Et enfin merci a Espace Handicap. Au plaisir de vous revoir tous très vite.
Michel
L'entrée dans la prison = tout sourire avant de rentrer, puis une fois à l'intérieur: pesant, très sombre (trop). Heureusement le jeu des photos a permis à chacun de s'exprimer. La rando s'est super bien passée. Pour moi facile, car se laisser porter est très agréable. Certain(es), ont tiré "la langue" pour la montée mais quel bonheur d'atteindre le but. L'équipe est très attentive, ça a été un moment de partage intense.
Odile
L'échappée solidaire
Voilà, c'est décidé, c'est comme ça que s'appelle notre aventure commune. Nous l'avons décidé collectivement à l'issue de notre seconde rencontre qui s'est déroulée le samedi 20 mai 2017.
Nous nous étions donné rendez-vous à Plaines Joux pour une virée à la journée.
Tout a été super ! Le temps, l'ambiance, l'attitude des détenus (Jean-Brice, Joseph, Hamza -Hervé n'a pas pu venir), la gentillesse de Michel et Odile, la spontanéité et l'engagement de tous. Nous avons rallié la Pointe de Miribel en passant par la combe aux statues. Pique nique près de l'autel en plein air puis descente sur Combasseran, le Replan, retour par la Fully et l'ancienne piste noire.
Nous avons fait un pas de plus dans la compréhension des uns et des autres, un pas de plus dans la lutte contre les préjugés. Notre aventure a désormais un nom. Son choix n'est pas anodin. L'idée de base est de JB, elle s'est trouvée confortée par le sentiment partagé que ce que nous vivons ensemble est un ciment pour l'avenir, quelque chose entre la liberté et la fraternité. Un ensemble de valeurs fortes, émotionnelles et sociales, tout à la fois jubilatoires et formatrices...On ne peut qu’espérer que cela dure et aille à son terme.
Alors comme ça, on nous change nos détenus pour cause de bêtises ou bobos alors que l'on commençait à se connaître!
On va continuer notre Échappée Solidaire et on aura une pensée pour vous demain soir au coin du feu.
Pour toi Jean-Brice, l'existence de ta lettre et son contenu démontre qu'un certain nombre de déclics ont opérés. Tu es sur la bonne voie même s'il y a encore quelques réglages à faire!
Peut être nous croiserons nous un jour sur les chemins dans les environs de Bellevaux ou pourquoi pas au festival de l'humour de Montreux; moi dans la salle et toi sur la scène!!
Qui sait? Bon vent à Tous pour la suite.
Claude
Vous vous demandez peut-être pourquoi ce mot de Claude ? Eh bien c'est que, effectivement, nos camarades de la maison d'arrêt ont fait quelques bêtises qui les privent de sortie...Il a fallu franchir le cap de la déception pour rebondir, sélectionner de nouveaux partenaires, se rencontrer, tout recommencer...Karim, Nassem, Teddy et Dimitri nous rejoignent pour la troisième étape.
Premier WE de juillet : nous nous retrouvons avec les gars de la prison sur le parking du lac de Vallon à 8h30 histoire de se familiariser avec les bécanes. Dimitri n'est pas là, il a "fauté" et ne fera plus partie du projet. Nassem, Teddy et Karim sont motivés, le premier contact est bon. A 9h30, tout le monde arrive. Même Julien est venu, qui va nous sauver la mise en acceptant de faire le factotum jusqu'au refuge pour monter les provisions et Robert, blessé, qui va assurer le chauffage.
C'est parti pour un tour du lac jusqu'au départ des pistes de la Chèvrerie. Commentaires sur la formation du lac et visite de la chapelle...Pique nique puis c'est parti pour la montée à Tré le Saix. Grosse suée, repos, goûter, séchage des maillots. Alors que tout le monde se croyait installé, Philippe en remet une couche en annonçant le départ pour le sommet de Sur La Pointe...Fantastique, héroïque grimpette dans les cailloux et les grandes herbes où chacun donne le meilleur de lui-même pour offrir à Odile et Michel la joie du sommet. L'échappée solidaire prend tout son sens, au réel comme au figuré, il faut avoir vu Nassem hurlant sa joie et sa liberté face au vide et au vent !!!
Descente tout aussi épique et soirée douce et bonhomme au coin du feu après un bon repas de crêpes.
Gros dodo...C'est la pluie qui réveille, on profite du mauvais temps pour discuter autour de la table, échanger sur notre projet, nos ressentis, Florent, le médiateur culturel qui suit et participe à l'aventure filme les débats.
A dix heures, on décolle pour le retour par les Nants et l'Ermont.
On se quitte sur le parking, empêtrés dans nos sentiments, trop plein d'amitié et de bonheur. Promis, on continue, ce sera fin août, ce seront encore d'autres personnes, d'autres rencontres, d'autres partages. Quoi qu'il arrive maintenant, le pari est gagné, le projet est une belle réussite, il y a de l'humain, "de la chair" dirait Francine, du vrai. Cela n'a aucun prix, si ce n'est celui du vent, de la fugacité d'un sourire, d'un espoir.
29 et 30 août 2017 : " gonflés les mecs ! Monter deux joëlettes au Dérochoir ! " . Paroles de Christophe, gardien du refuge qui n'avait encore jamais vu quelqu'un oser monter en joëlette sur les sentiers mal pavés de Sales.
Comme dirait Florent, au delà de l'exploit physique, il y a l'engagement d'une équipe soudée qui se donne les moyens d'aller au bout de ses rêves. Et quelle récompense, ce Mont Blanc qui explose à la gueule comme une grenade de lumière, quelques mètres avant la crête tant la pente est raide ! Ces jeunes détenus qui s'offrent au paysage et à l'avenir bras ouverts, exténués mais heureux et fiers...
Aujourd'hui, j'ai inventé un métier : créateur d'émotions fortes ! ça paye pas, mais qu'est-ce que ça rend riche !
Riches, nous le sommes tous, d'images magnifiques, d'amitié, d'abnégation...Mal aux pieds, mal au dos, mais tellement de rires et de souvenirs forts.
A peine les joëlettes rangées que d'autres projets surgissent dans mes nuits agitées. Faire se rencontrer des personnes qui, dans la vie ne se seraient jamais croisées, faire émerger ce qu'il y a de meilleur en elles, avancer ensemble avec un objectif commun. Une valeur défendue becs et ongles par tous ceux qui participent à l'aventure d'ADRET.
Pas de clap de fin, juste une virgule, une pause. Le temps de remercier le personnel de la maison d'arrêt de Bonneville qui a accompagné ce projet et tout particulièrement Cyrille, Johanne, Agathe, Yoann et Catherine. Merci aux détenus ( Jean-Brice, Joseph, Hamsa, Hervé, Teddy, Nassem, Karim et Adilson ) qui ont accepté de "jouer le jeu". C'était pas forcément évident de faire tomber les barrières et les préjugés, pour eux comme pour nous. Merci à Florent, caméraman courageux qui a suivi toutes les sorties. Il poursuit le travail en montant un film avec les participants de la maison d'arrêt. Merci aux bénévoles d'ADRET, Claude et Albert. A ceux d'Espace Handicap, Daniel et Robert et bien sûr, merci à Odile et Michel, acteurs essentiels de cette belle histoire. Avec leur bonne humeur, leur humour, leur attention...Ils nous ont montré la voie de l'espoir avec un humanisme rare.
"Ne changeons rien, changeons tout" sera le mot de fin pour cette fois, mais je compte bien vous retrouver bientôt pour de nouveaux défis.
Philippe le 30 août 2017
Ci-dessous, une petite photo souvenir au Dérochoir sans les détenus, pour des raisons de confidentialité. Mais rassurez-vous, ils sont là avec nous !